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lundi 19 avril 2010

histoire de la famille Poussegrain 2

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Résumé
1794: l'artilleur Poussegrain avait la guigne, La Poussegrain son épouse enceinte voulait une fille, mais ce fut un fils, prénommé Juste. Le héros, c'est Juste, pour le moment.

À quelque temps de là, sur la route de l’Autriche Poussegrain père réapparut bizarrement à Lyon dans la boutique d’un fripier, le ballot de ses hardes militaires sous le bras, dont il espérait tirer de quoi s’offrir un casse-croûte. Le boutiquier, qui était patriote, dépêcha son fils en douce au Comité de Salut Public et fit durer le marchandage jusqu’à l’arrivée d’une escouade de gardes…

On emmena Poussegrain et ses loques d’uniforme accusatrices. L’aurait-on arrêté deux ou trois jours plus tard, que même déserteur il pouvait sauver sa tête, mais on vivait les derniers feux de la Terreur jacobine. Poussegrain l’ancien fut guillotiné le 7 Thermidor avec une charretée d’ennemis de la nation.

Le petit Juste pour sa part, connut la vie précaire des fils de vivandières, qui est une sorte de bohème militaire par les chemins de l’Histoire. À deux ans, il entrait à Milan derrière Bonaparte ; il prit son premier bain quelques mois plus tard dans l’Alpone, où il tomba malencontreusement du dos de sa mère tandis qu’elle détroussait des soldats morts sous le pont d’Arcole. Comme on était en novembre, il bleuit si fort que la pauvre femme dut interrompre son labeur et le ramener dare-dare au chariot avant qu’il ne prît mal. Elle lui donna une bonne fessée, autant pour le réchauffer que pour le punir du manque à gagner.

De ce jour, Juste conserva une prévention irraisonnée contre la baignade que la mort de sa mère dans des circonstances comparables, des années plus tard, devait encore renforcer. Tant qu'il vécut par monts et par vaux, molécule anonyme perdue dans le vaste remugle de pieds de la troupe, cela ne porta guère à conséquence. Ce n'est qu'en rejoignant la société civile, et plus précisément la société de femmes accoutumées à une toilette hebdomadaire, voire quotidienne pour certaines extravagantes comme celle qu'il épousa, ce n'est qu'en découvrant les senteurs de la paix qu'il eut à souffrir de se laver.

Toutefois, il était encore loin de ces extrémités : à trois ans, il assistait à la bataille de Rivoli. Le petit commerce de la vivandière prospérait ; elle avait pu remplacer les deux bourrins efflanqués qui tiraient sa roulante depuis l’occupation de Nice, en 1792, par de robustes bêtes de labour italiennes. Les soldats se pressaient devant son chaudron les poches pleines, et son magot grossissait au point de lui meurtrir quelquefois les seins en dormant.

Du coup, elle dégoulinait d’admiration et de gratitude envers Bonaparte, qu’il est né coiffé, çuila, faut pas le lâcher ! Malheureusement, malgré sa détermination à coller aux basques du fortuné général ―à la traîne de son étoile, plutôt, car elle ne l’avait approché quelques instants qu’une seule fois―, elle ignora longtemps qu’il était en route vers d’autres cieux, et apprit la nouvelle de l’épopée égyptienne alors que les affaires commençaient à se gâter sérieusement pour les troupes françaises d’Italie…

À cinq ans, Juste apprit l’art de battre en retraite après les défaites de Legnano et de Magnano, sans abandonner la moindre gamelle ni une lentille à l’autrichien ou aux paysans ingrats qui leurs jetaient des pierres au passage. Sainte Barbe, qui est la patronne des artilleurs —des artilleurs français s’entend—, dut étendre sur l’enfant de feu Poussegrain et sa mère une aile miséricordieuse, car ils survécurent à la poisse obstinée des troupes républicaines jusqu’au retour de Bonaparte.

Alors, le vent tourna presque du jour au lendemain et le gamin put fréquenter à nouveau les parages de la victoire : il connut Marengo à six ans, Austerlitz à onze, et Iéna, Friedland, Wagram… Bref, il poussa tel qu’on peut s’attendre à pousser à la traîne d’un conquérant, mêlé à l’écume de son sillage.
(à suivre, peut-être…)

Le début est là… La suite ici…

8 commentaires:

Epamine a dit…

"Les Poussegrain"!
Lisez, diffusez et commentez cette excellente version virtuelle et clavésienne des "Rougon-Macquart"...

Le coucou a dit…

Merci Epamin', mais à priori, ce ne sera pas une histoire naturaliste, ou alors "surnaturaliste", peut-être…

Balmeyer a dit…

Une prévention irraisonnée contre la baignade : il risque de ne pas apprécier Waterloo, l'ami...

A propos de dynastie,on dirait bien une histoire de la guigne sous le premier empire...

A vous suivre aussi.

Le coucou a dit…

Balmeyer, me faire rire au réveil, c'est gentil, vous pouvez recommencer tous les jours.
Histoire de la guigne? Tiens, mais il pourrait y avoir de ça…

Christophe Sanchez a dit…

Ce juste va en baver des ronds de chapeaux ! Un départ fracassant dans la vie ! Marchons, marchons !

Le coucou a dit…

Oui, il va en baver, mais il se rattrapera, j'ai confiance en lui, c'est un bon gars…

Colombine a dit…

Sous emprise... :)

Le coucou a dit…

Colombine, :-)) pourvou que ça doure, comme disait la mère Buonaparté.