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Un espace pour respirer et me souvenir de ce que j'aime… Un lieu aussi où nous serons deux à nous exprimer, Marcelle et Jean-Louis.
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mardi 24 mai 2011

Lien

Nous y sommes. Le rossignol est roi de la nuit, le jour on ne sait que devient sa couronne, son chant se mêle aux ramages du petit peuple des bois alentour. Je me souviens du rossignol d'autrefois qui habitait la vigne et les roseaux du ruisseau, si près que son discours argentin emplissait notre chambre. Dormir l'un contre l'autre, couverts par le chant du rossignol. La chienne couchait de mauvais gré dans la ruelle du lit où je la retenais d'une main par le collier, sans m'éveiller. Jalouse de notre repos, elle aurait aboyé à la fenêtre ouverte afin d'imposer silence à ce perturbateur. C'était une chienne dévouée. Le rossignol chante, les gens de bon tempérament ont la fièvre frivole de qui se croit au printemps. Toutes ces cervelles d'oiseaux ignorent que le printemps n'existe plus, la très ancienne saison des amours, celles qui faisaient le corps léger et le cœur grave en secret. Il faut au printemps un désir de bonheur pour s'épanouir, bonheur que le temps rabote jusqu'à la dernière planche de cercueil.

Un jour se dénouera le lien qui nous joignait si fort qu'une séparation de quelques heures nous affligeait sans remède. «Tu te trouves quelque part dans cette nuit qui descend. Tu fais des gestes que je ne vois pas, tu dis des mots que je n'entends pas et qui d'ailleurs ne me sont pas destinés. Je suis volée des sourires que tu ne me dédieras pas ce soir.»
Des siècles d'ambre avaient ouvré ta face aventureuse. En toi coulait le sang de héros émancipateurs et d'indiennes mélancoliques dont la tristesse parfois obscurcissait ton regard. Revenaient-elles contempler le monde par tes grands yeux ? Des temps fastueux que tu ne connus point avaient disposé ton âme à la beauté des choses comme à la quête d'une harmonie qui n'est plus de ce monde. En toi le sang coulait de musiciens errant d'un printemps à un autre, si légers qu'aucun devoir n'aurait pu les clouer à quelque coin de terre. En moi brûlait ta flamme, celle qui me rendait quelquefois hardi dans le fol espoir de te mériter. Un jour je te mériterai, je viendrai près de toi et le lien sera défait. «J'oublierais bien de vivre si tu le demandais et j'oublierais aussi d'être ce que j'étais…» Je n'ai rien demandé, pourquoi as-tu oublié ?